Le Ball écossais traditionnel et le bal style RSCDS, une comparaison
Cet article n’engage en rien le groupe des danses écossaises de notre association ; les points de vus exprimés sont purement ceux de l’auteur.
Le Ball écossais traditionnel et le bal style RSCDS, une comparaison.
Je viens de recevoir mon invitation pour participer au grand bal bi-annuel de la Royal Scottish Pipers’ Society. Cet évènement prestigieux va avoir lieu dans le hall du Royal College of Physicians. Je note en passant, que le lieu est changé car traditionnellement notre bal se tenait dans The Assembly Rooms, grande salle de réception construite au 18e siècle pour abriter, parmi d’autres événements, le bal hebdomadaire des notables d’Edimbourg. On peut s’attendre à 250 danseurs au moins. La soirée commence par une réception à 20h, suivie par une aubade de la part des sonneurs de l’association. Les messieurs sont tous en grande tenue écossaise et les dames en robes longues et souvent complétées par une écharpe en tartan. Pendant ce temps-là, les dames profitent pour circuler avec leurs cartes de danse. Le partenaire de leur choix est invité à écrire son nom, moyennant quoi il s’engage à danser cette danse avec elle. Il va sans dire qu’il est strictement interdit de refuser car la dame vous fait l’honneur de vous inviter. Ensuite, commence la première partie du bal et sur scène un orchestre professionnel. Le master of cérémonies annonce chaque danse. Il faut savoir qu’une répétition a eu lieu la semaine avant le bal, et moyennant une petite somme pour payer la salle, un professeur diplômé enseigne les danses. Les danses en question ne varient guère de bal en bal, toujours les mêmes et pas du tout difficiles. Mon association privilégie le Reel de la 51e division car il y a beaucoup de familles militaires parmi nos membres.
Je reproduis le programme des danses :
A noter la présence d’un nombre important de danses dites de « ceilidh » à savoir :
The Dashing White Sergeant
Canadian Barn Dance
St Bernard’s Waltz
Gay Gordons
Foxtrot
Scottish Waltz.
On peut constater une répartition similaire entre danses à figures et danses de ceilidh dans ce programme du bal annuel de la ville de Perth.
Annual Ball 2012 Dance Card
Gay Gordons
St Bernard's Waltz
Duke of Perth
Hamilton House
Eightsome Reel
Dashing White Sergeant
Isle of Skye
Reel of the 51st
Strip the Willow
Linton Ploughman
Canadian Barn Dance
Petronella
Military Two-step
Ici, on peut compter six danses de ceilidh sur un total de treize.
Pour représenter un bal écossais à l’étranger j’ai choisi le Bankok St Andrew’s Society annual ball :
2. Reel of the 51st Highland Division
3. Rock and Roll
4. Eightsome and Foursome Reels
5. Perth Medley
6. Duke of Perth
7. Quickstep
Breakfast 1st Sitting
8. Duke and Duchess of Edinburgh
Breakfast 2nd Sitting
9. Rock and Roll
10. Speed the Plough (Inverness Country Dance)
11. Hamilton House
12. Quickstep
13. Mairi’s Wedding
14. Duke of Perth
15. Rock and Roll
16. Reel of the 51st Highland Division
17. Last Waltz and Gallop.
Passons maintenant à un bal typique du Royal Scottish Country Dance Society (RSCDS)
AGM 2015 Ball Programme, compiled by Perth & Perthshire Branch Saturday 7th November 2015 Bell’s Sports Centre, Perth EH3 7AF J L3
Happy Returns
Gang the Same Gate
Lady Home’s Jig
Earl of Mansfield
The Braes of Breadalbane
A Tribute to the Borders
Portnacraig
The Swan and the Tay
Duke of Perth
Nice to See You
The Braes of Tulliemet
The Starry Eyed Lassie
The Montgomeries’ Rant
Culla Bay
Newburgh Jig
Rev John Macfarlane
The Minister on the Loch
Follow me Home
The Reel of the 51st Division
Dix-neuf danses et la collation n’est même pas prévue !
Pas une seule danse de ceilidh mais tout un programme fait pour les adeptes de la RSCDS, - et c’est normal, car il s’agit des spécialistes « chasseurs de danses ». Mais apprises dans quelles conditions, et retenues pour combien de temps ? C’est comme s’il y avait des normes de productivité à respecter !
La quantité et toujours la quantité. Un « quidam » aurait imposé 65 danses une même année à son groupe. Cherchait-il une prime par hasard ?
Il est clair que nous avons à faire à deux sortes de bals, complètement différents. Le premier, représentant la société écossaise telle qu’elle est, c’est-à-dire une société accueillante où on essaie de mettre au programme des danses pour tout le monde sans pour autant sortir du cadre d’une occasion hautement formelle (ici le code vestimentaire joue un rôle important). Dans le cas du bal de la Royal Scottish Pipers’ Society, un cours d’initiation est offert pour faciliter l’accueil. Aussi, je sais d’après mon expérience personnelle, que le répertoire des danses inscrites ne change pas d’une année à l’autre ce qui rend les danses d’autant plus accessibles. Il est évident que pour les danseurs qui assistent au bal de leur association il s’agit d’un rendez-vous annuel, une vraie tradition. Le bal de Perth a lieu maintenant depuis plus de 80 ans, et celui de Skye encore plus.
Or, il en sort que les bals du RSCDS ne partagent pas les mêmes objectifs car ici, nous avons à voir avec une organisation qui vise à promouvoir des danses de figures « savantes » et pas du tout accessibles au grand public, même à un public instruit dans les danses de base (ce que les adeptes du RSCDS appellent des danses « faciles »). Et si ces danses « faciles » représentaient le vrai répertoire national de l’Ecosse, et si les autres (souvent inventées de toute pièces à un point qu’il y en a plus de deux mille répertoriées actuellement), constituent la chasse privée d’un mouvement élitiste et exclusif dans son comportement ?
Je suis sûr que beaucoup des membres de ce mouvement ne se rendent pas compte des effets néfastes de leur exclusivité, au moins jusqu’au moment où ils essaient de recruter. S’ils n’arrivent pas à renouveler leurs effectifs, c’est pour la simple raison que leurs danses sont trop difficiles et trop nombreuses pour que le simple débutant puisse intégrer le groupe sereinement. On peut prévoir des cours d’initiation mais encore faut-il un certain nombre de candidats pour en assurer l’organisation. Et puis il reste toujours le problème de cette tendance chez certains (heureusement pas trop nombreux encore) de ne pas inviter un débutant à danser car il veut goûter le plaisir de la danse sans être gêné. Souvent, les débutants dansent donc ensemble ce qui invite inévitablement le chaos dans le groupe.
La trajectoire typique d’un tel groupe pourrait être décrite ainsi :
- A sa création, tout le monde est débutant.
- Tout le monde avance à peu près au même rythme.
- Un certain niveau de technique est acquis et un certain nombre de danses sont plus ou moins maîtrisé.
- La chasse aux nouvelles danses est lancée, et surtout de plus en plus difficiles, car inévitablement, le plaisir est dans le découvert et la complexité !!
- Les premières difficultés de recrutement se présentent…. le niveau est maintenant trop haut pour rendre possible la bonne insertion des débutants. Cela n’arrive pas souvent, il faut le dire, mais le problème des débutants et le recrutement à part, il reste celui où des danseurs expérimentés refusent de danser avec ceux et celles qui « dansent mal » car leur jouissance provient de moins en moins de la convivialité, et de plus en plus du fait de bien danser et de bien avancer en difficultés…. l’égoïsme s’installe et les participants deviennent des consommateurs affichant peu ou rien de la volonté d’inclusion de la vraie tradition écossaise.
- Un tel groupe va sombrer tôt ou tard victime de sa propre évolution.
Tous ceux qui connaissent bien les Ecossais, savent qu’il s’agit d’un peuple essentiellement sans prétention, modeste et surtout accueillant. Tout ce qui s’oppose à ce sentiment est à déplorer.
Il y a quelques mois, le directeur de la RSCDS a organisé une conférence de presse pour annoncer de nouveaux départs dans son association en difficulté de recrutement, surtout chez les jeunes. Il propose, par exemple, d’adapter des rythmes antillais sur la danse écossaise pour la rendre plus ludique. On peut constater les mêmes tendances en ce qui concerne la danse bretonne où on a tendance d’importer des airs tout à fait étranger à la tradition pour que « ça évolue ». Les tentatives d’examiner et de pallier les pertes en membres de la branche d’Aberdeen du RSCDS (rapport publié sur l’internet) en dit long sur ce qui devient une véritable crise de recrutement et de rétention.
Mais peut-être, les membres eux-mêmes, ressentent-ils le besoin de retourner à la convivialité. J’en suis persuadé. Regardez la vidéo de Mairie’s Wedding (dansée par des membres du RSCDS) posté sur YouTube ( https://www.youtube.com/watch?v=-RTVG0kSz7E ) et vous verrez bon nombre de variations de pas et de gestes parmi les danseurs, surtout les jeunes, et de toute évidence ils adorent la liberté d’expression en apparente contradiction avec la formalité normale.
Peut-être, y-a-t-il de l’espoir encore pour les vieilles danses traditionnelles, celles que Miss Milligan, co-fondatrice de la SCDS) a collectées auprès du grand public, à la différence de celles tirées des carnets des professeurs de danses du 18e et 19e siècles ?
J’espère avoir démontré que le répertoire de la RSCDS n’est pas un répertoire authentiquement partagé par le peuple écossais et que l’on a tort de le présenter comme le summum de la danse écossaise. Cette « école » existe, pas seulement en Ecosse, mais partout dans le monde, elle n’est pas nationale dans le sens d’une culture issue de la communauté nationale. Certes, elle est gracieuse et élégante et on comprend bien le plaisir que ses adeptes peuvent en tirer, mais la vraie tradition de danse écossaise est celle de l’ouverture et de l’accueil. Cette tradition existe, d’ailleurs, dans les ceilidhs et dans les bals des associations plus ou moins ouverts au grand public.
Andrew Hunter : blog notes.
Notes : Andrew a enseigné la langue écossaise à l’Université de Heriot-Watt à Edinburgh et au Conservatoire Royal de l’Ecosse à Glasgow.